
Iconostase
Paroles de Marin Marceau
Quand les passants pressent le pas
Dans le froid tranchant de novembre
Depuis le banc où je m’échoie
Mon regard flâne entre les branches
Les arbres de la contre allée
Ne cachent plus de leur feuillage
La façade où va s’animer
Un lumineux livre d’image
De ses petits ciseaux dorés
La nuit découpe dans nos villes
De jolis tableaux familiers
Dans le papier fin de nos vies
Des silhouettes de fusain
Dessinent de courtes histoires
Qui se diluent, si l’on éteint
Dans l’encre des façades noires
Première scène à s’allumer
Porte-fenêtre au quatrième
Surgit la Grâce en majesté
D’un chat sur une méridienne
Suivent les carreaux embués
D’une lucarne à l’entresol
Où le jour cru d’un plafonnier
Surprend deux ombres qui s’affolent
Bientôt, des combles à la chaussée
C’est tout l’immeuble qui s’embrase
Dressant face à l’obscurité
Une éphémère iconostase
De ses petits ciseaux dorés
La nuit découpe dans nos villes
De jolis tableaux familiers
Dans le papier fin de nos vies
Des silhouettes de fusain
Dessinent de courtes histoires
Qui se diluent, si l’on éteint
Dans l’encre des façades noires
Moi qui m’apprête à regagner
Mon petit écrin de lumière
Deux abat-jours, un canapé
Cent livres sur leurs étagères
Je longe de tristes grabats
Où dorment des gens ordinaires
Que la misère a jeté là
Sous l’œil vitreux des réverbères
De ses mains fines et glacées
La nuit tourmente dans nos villes
Les corps et les âmes blessées
Par le froid la faim ou l’exil
Leurs silhouettes de fusain
Se confondent avec les trottoirs
Ne reste plus, quand tout s’éteint
Que l’indifférence des phares
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